lundi 25 mars 2013

Carambar et Malabar: pourquoi les consommateurs se mobilisent?

C’est aujourd’hui, que la marque Carambar devait annoncer officiellement sur son site web, sa décision de remplacer les fameuses blagues sur ses emballages par des jeux ludo-éducatifs à partir du 15 avril. L’annonce communiquée dans les médias depuis jeudi avait suscité une réelle émotion auprès de l’opinion publique et de nombreux commentaires de la part des médias et des internautes. Tout cet emballement médiatique à propos d’une marque de bonbons, à travers la presse écrite, les journaux télévisés, la blogosphère et même les Guignols, peut paraître surprenant mais démontre un attachement particulier des Français pour ces blagues aussi potaches soient-elles.



Du côté de la marque, cette révolution stratégique, motivée par une volonté de participer à l’éducation des enfants, était mise en scène sur son site Internet avec un compte à rebours jusqu’à la fameuse annonce ainsi qu’un spot vidéo présentant ce changement. C’est une vraie révolution pour la marque créée en 1954, puisque les fameuses blagues, imprimées sur l’emballage des barres depuis 1969, lui sont indissociables et font partie de son patrimoine génétique. La protestation des internautes fut telle, que des pétitions ont été mises en lignes (ici et sur une Page Facebook dédiée) et la mairie de Marcq-en-Barœul (ville où sont fabriqués les Carambar depuis sa création) a même appelé à la mobilisation sur sa PageFacebook.



Oui mais voilà, ce matin, à la fin du compte à rebours, au lieu d’annoncer officiellement la suppression de ses blagues, Carambar rassure tout un peuple en prétextant une blague avec le hashtag « #cetaituneblague » et une vidéo sur laquelle on peut voir les coulisses du buzz et les réactions dans les médias et les réseaux sociaux. Tout ça pour ça, juste un coup de pub, certes très bien orchestré mais d’un mauvais goût tout de même.


La supercherie était-elle prévisible? Peut-être, comme il avait notamment été envisagé dans certains articles (ici et ici), mais un autre article publié sur le site du Huffington Post soulignait la confirmation par le groupe Kraft Foods (propriétaire de la marque) contacté par le journal, de la suppression des blagues. Ensuite, il ne faut pas oublier qu’il y a tout juste 2 ans, Kraft Foods avait déjà osé changer la mascotte des chewing-gums Malabar (autre marque de son portefeuille), en mettant à la retraite le célèbre « Monsieur Malabar » au profit d’un chat prénommé Mabulle dans le but de rajeunir l’image de la marque. Les internautes avaient alors vivement protesté sur les réseaux sociaux mais pas autant que pour le retour des blagues Carambar. Et il faut également souligner qu’au même titre que supprimer les blagues Carambar, créer un buzz en plaisantant sur un sujet aussi sensible me paraissait être aussi, voir plus dangereux pour l’image de la marque.

Pourquoi dangereux, et pourquoi tant de protestations après les annonces de tels changements concernant Carambar et Malabar ? Outre l’effet de foule et la prise de parole encouragée par les réseaux sociaux, les internautes sont surtout motivés par leur attachement à ces marques, ces produits avec qui ils ont un réel lien émotionnel. Carambar et Malabar sont des marques anciennes de confiseries, ce qui implique que bon nombre d’entre nous ont été amenés à en consommer durant notre enfance. Et nous sommes tous nostalgiques, attachés aux produits de notre enfance, surtout lorsque ceux-ci sont associés à des symboles forts. Toucher à ces symboles, c’est un peu comme si l’on touchait à une partie de notre enfance. Et même aujourd’hui, les blagues Carambar font partie de notre quotidien, du langage courant, d’un patrimoine français au même titre que le produit lui-même. Preuve en est les livres de recettes à base de Carambar.

A une époque où les marques peuvent changer constamment de propriétaires, on peut penser que certaines d’entre elles notamment à travers leurs symboles, appartiennent davantage à la culture populaire et à notre imaginaire collectif. Alors, certes, Carambar a réalisé un gros coup médiatique avec cette opération, qui sera sans doute une référence en buzz-marketing, mais pour moi cette blague aura été bien moins drôle que toutes celles qui continueront à être imprimées sur ses emballages.



photo credit: lxgr via photopin cc


mardi 19 mars 2013

Rap et Streetwear, un featuring redoutable

Le rap français vit depuis quelque temps une guéguerre surmédiatisée qui fait la joie des commentateurs et mêmes des principaux intéressés. Mais ce qu’il me semble être oublié ou du moins sous-exploité dans toute cette agitation médiatique, c’est la concurrence que se livrent les rappeurs dans un autre secteur que celui de la musique, à savoir celui de la mode. Effectivement les 3 rappeurs concernés ont tous lancé leur propre marque de vêtements : Unkut par Booba, Street Swagg par La Fouine et Distinct par Rohff.

Au-delà de l’aspect mégalomane, le lancement par un rappeur d’une marque de vêtements peut se justifier par l’opportunité que représente le pouvoir fédérateur qu’exercent ces chanteurs auprès de leur communauté de fans. Une communauté d’autant plus engagée lorsque ces rappeurs sont en conflit. A partir de là, vendre des vêtements peut s’avérer être aussi intéressant que de vendre des disques. C’est pourquoi, bon nombre de rappeurs se sont lancés dans ce business en parallèle de leur carrière musicale. A la fin des années 90, Joey Starr et Kool Shen avaient lancé respectivement les marques Com8 et 2 High. Sully Sefil autre rappeur français moins connu a créé la marque Royal Wear. Ces 3 marques ont eu beaucoup de succès à cette époque. Du côté des Etats-Unis, les exemples de Jay-Z avec Rocawear, de Puff Daddy avec Sean John ou de Pharrell Williams avec Billionaire Boys Club illustrent ce parallèle naturel entre la musique et le streetwear.

Et contrairement à de simples produits dérivés, les vêtements de ces marques sont vraiment incarnés par leur créateur/rappeur qui les porte à chaque occasion pour les promouvoir. Que ce soit sur scène, dans leurs clips ou même lors des tournées promotionnelles dans les médias. C’est ainsi que dernièrement les rappeurs Booba et La Fouine ont fait la tournée des plateaux de télévision pour présenter leur nouvel album respectif en arborant fièrement les produits de leur marque de vêtements. Le CSA a notamment mis en garde la chaîne D8 pour publicité clandestine lors du passage de Booba sur le plateau de «Touche pas à mon poste» (+ d'infos), mais cela n’a pas empêché La Fouine d’y faire quelques jours plus tard dans la même émission la promotion de son album vêtu d’une veste, d’un t-shirt et d’une casquette de sa marque Street Swagg.

Mais dans la catégorie des meilleurs porte-manteaux publicitaires, la palme peut sans aucun doute être décernée aux rappeurs du label Wati-B. Le label de musique rap dont la tête d’affiche est le groupe Sexion D’Assaut, a créé sa propre marque de vêtements surfant sur le fort succès de son groupe phare. La marque au nom de Wati-B, comme le label, bénéficie de la forte exposition de la Sexion dans les médias. Sachant que les chanteurs du label portent en permanence les vêtements de sa marque, les retombés en terme de visibilité pour les produits de la marque sont énormes. Dans chaque clip, chaque sortie promotionnelle, on ne peut même plus parler de simples placements de produits, c’est un véritable défilé de mode. Et grâce à cette publicité générée par les artistes du label à travers leurs clips, la marque semble avoir beaucoup du succès auprès du public, preuve en est l’ouverture d’une boutique à Châtelet (Paris) et prochainement à Marseille. La marque Wati-B est également devenue partenaire du Montpellier Hérault SC (sur le dos des shorts), du club de basket de Nanterre ainsi que de la Ligue Nationale de Basket avec la création d’une ligne de vêtement dédiée et d’un hymne officiel, rien que ça.




On voit bien que le rap et notamment le rap français profite de sa situation concurrentielle et conflictuelle pour fédérer un public communautaire dévoué, qui consomme rap et donc est prêt à poursuivre leurs rappeurs fétiches dans leur projet vestimentaire. Les clips s'apparentant de plus en plus à des spots publicitaires, la musique devient ainsi un outil parfait pour promouvoir une marque de streetwear tout en véhiculant un univers à son image.


photo credit: Mo Ibrahim Foundation via photopin cc
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